Sara Badr Schmidt réduit le genre à son plus vaste dénominateur commun : le ciel. Pour constituer la série Borderless, l’artiste a simplement photographié des pans bleus percés par l’indéchiffrable profusion des nuages. Les cieux, captés au cours de différents voyages, sont imprimés sur toiles et transposés dans des boites lumineuses. Les formes abstraites des plus hautes sphères sont retranscrites dans plusieurs langues : « Arrabbiata », « Lagom», « Hello », simples vocables qui contextualisent ces tableaux aériens. Pour Sara Badr Schmidt, chaque ciel a son vocabulaire. Les images, plastiquement objectives, sont ainsi relevées par des mots-souvenirs. Le paysage sans frontière est néanmoins rattaché à l’une des composantes les plus fortes du territoire : la langue. L’équilibre entre forme idéelle et verbe confère à Borderless un pouvoir de suggestion sans limites. Concrètement, les œuvres se présentent sans cadre et propagent autour d’elles une aura, un halo, une atmosphère.
Cette esthétique relève chez Sara Badr Schmidt d’une utopie. C’est que l’artiste a passé un temps certain à voler entre la France, le Liban et la Suède. Le ciel, vécu comme un lieu d’échange, n’est pas un immensément loin, mais une force en présence. Il n’est plus un aplat monochrome, mais avale l’horizon en travelling-avant comme le regard d’un voyageur à travers le hublot. Sur l’une de ses fenêtres, l’artiste légende « NOWHERE EVERYWHERE », une profession de lettres blanches qui rappelle un roman utopiste de Samuel Butler. Erewhon, publié en 1872, prenait pour titre l’anagramme de « nowhere » mais également de « now » et « here ». Cette ambivalence calligraphique confère à l’œuvre de Sara Badr Schmidt, un programme universel appelé à se réaliser nulle part et pourtant hic et nunc, « ici et maintenant ».