Écrire sur le lieu qui est devenu un non-lieu ; écrire sur les limites de la mémoire, sur l’appel à transmettre, à véhiculer… ce type d’écriture est par essence une forme de guérison…
Briser les tabous qui déclarent l’inutilité des lieux lorsqu’ils disparaissent ; l’agonie de la séparation, de la rupture, de l’éloignement…
Donner un nom à ce sentiment angoissant d’être dans un lieu autre que chez soi, à la fois immédiat et brut…
Donner un nom à une émotion : « Laila », une mère, ma mère ; une caresse, une étreinte ;
l’insistance d’une odeur de maison perdue. « Laila », ou le début de tout, la main qui moule, l’ « abri ». Pourtant, dans notre mémoire douloureuse, les abris convoquent l’odeur de la peur, de la poudre à canon dans les couleurs conformes de l’obscurité.
Mais « Laila » n’est pas une. Elle est multiple. La coupure amère dans une mer de nostalgie transfigurée ; un espace dans le déni ; totalement hors de la conscience ; un passé entier annihilé. En elle, il y a le salut, la beauté, l’amour et la vie. Et dans le non-lieu, il y a le bruit, le chaos et la soif de néant. L’inconnu n’est pas confiné à un lieu précis. Il s’étend aux nations qui s’effondrent ou est lui-même un effondrement national en cours.
La plupart d’entre nous, je le crains, sont déchirés entre une maison à être et une autre, qui est nous.
Dans les champs de doutes qui tournent en rond, aucune Cour suprême ne peut triompher d’un chagrin infini.