Ce projet traite de l’arrachement à son lieu.
Ce projet traite de la violence d’une guerre subie dans l’enfance et de ses répercussions sur la construction d’un être.
Le traumatisme qui en résulte est refoulé car l’enfant donne toujours aux adultes l’impression de s’adapter.
A cause de la guerre du Liban et de mes origines, j’ai vécu de constants déplacements entre l’Orient et l’Occident.
Ce projet tente de faire ressentir l’émotion d’être sans arrêt éloigné de son environnement, ses amis, sa maison, d’avoir la peur inscrite au plus profond de son être. On finit par ne plus savoir à quel endroit on appartient, tout en essayant de s’intégrer, de se faire accepter dans un nouveau lieu.
« We left home…but what is home » s’inspire d’expériences personnelles du passé afin de susciter un questionnement collectif sur des événements du présent et tenter d’appréhender le futur. Les déplacements touchent de plus en plus de gens, que ce soit à cause des guerres ou des catastrophes naturelles notamment dues au réchauffement climatique.
Les œuvres que je présente dans cette installation explorent à la fois le formalisme et les thèmes autobiographiques pour susciter un questionnement plus universel sur les notions d’états intermédiaires, d’identité et d’appartenance. Leur sujet s’articule autour des notions d’arrachement et d’attachement. J’utilise consciemment des matériaux provenant de sphères différentes, celles des beaux-arts, de la littérature, de la construction et des arts appliqués. brouillant ainsi les frontières de la perception du support et du matériau. Mes sujets sont douloureusement politiques, réflexifs, mais je les traite de façon poétique et esthétique, mise en abîme du personnel dans l’universel.
Cette installation est présentée par des galeries successivement à Beyrouth, Paris et Stockhlom, ces lieux ayant été les points de chute des différents déplacements de mon enfance.
Ce projet a pris racine en moi lors de la disparition des deux maisons de mon enfance. Cette perte m’a fait soudainement réaliser que la matérialité physique de ces lieux était d’autant plus importante que la guerre m’avait contrainte toute ma jeunesse à des départs répétés. J’ai réalisé combien ils représentaient deux socles, des points d’attache profonds, dont les fondations prenaient vie dans des terres bien précises. Cet effacement, je l’ai vécu comme un déracinement de plus.
L’immeuble à Beyrouth avait été construit par mon grand-père paternel dans les années 40. Une authentique œuvre architecturale, avec des volumes inédits. Des boiseries en cèdre, typiques de la région. Toute la maison baignait dans la lumière grâce à une grande hauteur sous plafond et à toutes les portes en verre soufflé. Par la fenêtre de la cuisine nous pouvions voir le port et la mer avant que Beyrouth ne soit défigurée par la prolifération de nouvelles constructions.
En Suède, notre maison familiale était le lieu de mes étés. Située au bord de la mer sur une presque île, son jardin se jetait dans la mer. Elle avait été dessinée par mon grand-père maternel dans les années 50, dans une architecture minimaliste avant-gardiste. Elle était conçue en osmose avec le paysage extérieur fait de roches, de ciel, de mer, d’arbres et du cri des mouettes. L’extérieur dialoguait merveilleusement avec l’intérieur.
Ces deux maisons étaient ancrées dans des lieux totalement opposés, l’une au Sud et l’autre au Nord. Le Liban et la mer Méditerranée, la Suède et la mer Baltique. Cependant, elles avaient en commun la transparence et la luminosité. Le jour où je les ai perdues, j’ai pris conscience de la chance que j’avais eue d’avoir grandi dans de si beaux volumes.
Ces deux maisons n’existent plus, mais elles continuent de m’habiter à défaut de pouvoir, moi, les habiter.